La Vague de la Colère Légitime : Naviguer l'Intensité Émotionnelle suite aux Blessures Traumatiques.
- Melanie lelievre
- Apr 15
- 3 min read

Le chemin de la guérison après un trauma est rarement linéaire. Il est souvent ponctué de reviviscences émotionnelles intenses, où des sentiments longtemps enfouis refont surface avec une force parfois déstabilisante. Parmi ces émotions, la colère occupe une place particulière. Lorsqu'elle est une réponse directe à une transgression, à une injustice ou à une violation de nos limites, cette colère est profondément légitime. Pourtant, l'accepter pleinement peut s'avérer une tâche ardue, car son intensité résonne souvent avec la surcharge émotionnelle vécue lors de l'événement traumatique initial, ravivant les sensations physiques et psychologiques du trauma lui-même.
L'intensité de cette colère post-traumatique est en partie attribuable à la réponse physiologique au stress. Lors d'un événement traumatique, le corps libère une cascade d'hormones, notamment le cortisol et l'adrénaline, préparant l'organisme à la fuite ou au combat (van der Kolk, 2014). Ces mêmes hormones peuvent être réactivées lors du rappel du trauma ou face à des émotions intenses qui y sont liées, comme la colère. Cette surcharge neurochimique contribue à l'intensité émotionnelle ressentie, rendant l'expérience non seulement douloureuse psychologiquement, mais aussi physiquement éprouvante.
La difficulté d'accepter cette colère réside également dans son lien intrinsèque avec le trauma. L'intensité de la colère peut réactiver le sentiment de perte de contrôle, d'impuissance et de danger qui caractérise l'expérience traumatique (Herman, 1992). Pour se protéger de cette reviviscence, des mécanismes de défense tels que la suppression, la négation ou la dissociation peuvent se mettre en place, entravant l'acceptation et le traitement de la colère légitime. Pourtant, cette évitement ne fait que perpétuer le cycle de la souffrance, car l'émotion non exprimée et non comprise reste figée dans le corps et l'esprit, pouvant se manifester ultérieurement sous d'autres formes (somatisations, anxiété, dépression).
L'acceptation de la colère légitime, bien qu'initialement douloureuse en raison de son intensité, est une étape cruciale dans le processus de guérison. Elle permet de reconnaître la validité de sa propre expérience et de se réapproprier le pouvoir qui avait été aliéné lors du trauma. En permettant à la colère d'exister, sans la juger ni la refouler, l'individu peut commencer à comprendre son origine et son message. Cette compréhension ouvre la voie à une expression saine de la colère, qui ne soit ni destructrice pour soi-même ni pour les autres.
Ce processus de reconnaissance et d'acceptation de l'intensité émotionnelle liée au trauma s'inscrit dans une vision plus large de la vie elle-même. La vie est intrinsèquement intense, faite d'une palette d'émotions allant de la joie profonde à la tristesse accablante, de l'amour inconditionnel à la colère justifiée. Tenter d'échapper à cette intensité émotionnelle, en refoulant les émotions dites "négatives", revient à nier une part essentielle de l'expérience humaine (Frijda, 1986). L'objectif n'est pas de rechercher un état constant de calme et de sérénité, mais plutôt d'apprendre à naviguer les vagues émotionnelles avec plus de conscience et de résilience.
Dans le contexte du trauma, accepter l'intensité de la colère légitime peut être vu comme une forme de réintégration de l'expérience traumatique dans le récit de sa vie. Il ne s'agit pas de revivre indéfiniment la douleur, mais plutôt de reconnaître l'impact des événements passés sans se laisser submerger par eux. Cette intégration permet de donner un sens à la souffrance et de mobiliser l'énergie de la colère vers un processus de guérison et de croissance personnelle.
Des approches thérapeutiques axées sur le trauma, telles que la thérapie d'exposition narrative (Foa & Rothbaum, 1998) ou la thérapie de traitement cognitif (Resick, Monson, & Chard, 2017), encouragent l'exploration et le traitement des émotions liées au trauma, y compris la colère. Ces thérapies reconnaissent que l'évitement émotionnel maintient le trauma vivant et que l'acceptation et l'expression des émotions sont essentielles à la guérison.
En conclusion, l'acceptation de la colère intense et légitime liée au trauma est un défi de taille, car elle confronte l'individu à l'intensité émotionnelle de ses blessures passées. Cependant, en reconnaissant la légitimité de cette colère et en apprenant à vivre avec son intensité dans le contexte plus large de la vie émotionnelle, il est possible de transformer cette émotion puissante en une force motrice pour la guérison et la réappropriation de soi. La vie, dans toute son intensité, offre également la capacité de résilience et de transformation après la souffrance.
Mélanie Lelièvre Coach
Le 8 Avril 2025
Références
Foa, E. B., & Rothbaum, B. O. (1998). Treating the trauma of rape: Cognitive-behavioral therapy for PTSD. Guilford Press.
Frijda, N. H. (1986). The emotions. Cambridge University Press.
Herman, J. L. (1992). Trauma and recovery: The aftermath of violence--from domestic abuse to political terror. BasicBooks.1
1.
Resick, P. A., Monson, T. A., & Chard, K. M. (2017). Cognitive processing therapy for PTSD: A comprehensive manual. Guilford Press.
van der Kolk, B. A. (2014). The body keeps the score: Brain, mind, and body in the healing of trauma. Viking.